4. Spécial Afrique – En vacances sur le Nil Blanc, jour 1


En vacances sur le Nil Blanc, jour 1

 

On va normalement en vacances pour relaxer. On boit un Pina Colada, étendu sur la plage, un livre à la main. Le seul souci qu’on a c’est de bronzer égal. C’est ce qui m’est venu à l’esprit quelques minutes avant que je franchisse en kayak le premier rapide, The Hump, sur le Nil Blanc.

 

"The Hump" sur le Nil Blanc
Le rapide "The Hump"

 

La rivière commence ainsi, là où on s’est mis à l’eau : 1 500 mètres cube d’eau par seconde, concentré entre deux îlots rapprochés, projeté sur un cran de roche qui forme un îlot d’une hauteur de cinq mètres, avec une puissance impressionnante. D’où on est, impossible de voir l’ampleur du monstre. Steve Fisher, une sommité dans le monde de la descente de rivières et des chutes les plus sauvages, a entre autres affronté le Nil Blanc, le Tsang Po, et plus près de chez nous, les Sept chutes et la chute de la Chaudière. Il nous donne un aperçu de la manière dont on va affronter le monstre. Il est ferme dans ses consignes : « On passe par-dessus la petite vague à surf à l’entrée, de là on voit ce qui nous attend. L’eau qui pousse sur le Hump fait une immense vague et le cran de roche sur lequel se heurte l’eau change la direction du courant à 90 degrés vers la droite. Ne pas vous laisser impressionner par la hauteur de la vague. Sprinter en orientant le kayak dans le même sens que le courant. Conséquences si vous manquez votre coup : vous risquez de vous retrouver dans la zone de turbulence sous les arbres, à l’intérieur du virage, d’où il est presque impossible de sortir sans nager. »

 Gulp! Tout un début. Évidemment qu’ici, je vais parler de mon expérience, puisque je ne sais pas au même moment comment les gars se sentent. Yann et Simon ont l’air sûrs d’eux. Pourtant, on a pas pagayé depuis cinq mois, on a tous un bateau et une pagaie empruntés et on subit le décalage horaire. J’avais oublié ce que c’était un « voyage de kayak ». On dort dans des tentes, ou si on est plus chanceux, dans une cabine, qui a en fait la grosseur d’un cabanon. Le sommeil est léger, on a mal partout. Toutes les excuses sont bonnes pour que je fasse marche arrière. En même temps, j’adore cette ambiance dans les voyages de kayak, où la rivière nous rallie entre pagayeurs, la convivialité, le plaisir intense et à mon sens irremplaçable de jouer avec l’eau vive.

Le courant nous attire vers The Hump. Je dois laisser derrière moi toutes ces pensées, dont celles qui me ramènent sur une plage exotique. Il fait beau oui, mais ce n’est surtout pas le temps de penser à relaxer. Parce qu’on a 25 km à faire sur cette rivière sauvage, au cœur de la jungle et ce rapide n’est qu’un début.

Steve donne le rythme. On le suit comme les petits canetons suivent la canne. Je suis de près de Steve, à environ quatre mètres derrière lui, Yann est au centre et Simon ferme la ligne. Aussitôt la première vague franchie, je vois le monstre. Je tente de suivre le trajet sur l’eau que Steve emprunte mais en voyant la vague, je suis intimidée. Je rate une seconde de focus, ce qui me vaut un seul coup de pagaie manqué, et oups! Me voilà atterrie un mètre et demi plus bas dans le no-mans-land. Je flotte sur ce bouillon blanc, dessinant une trajectoire en forme de spirale avec mon kayak et faisant des bonds au rythme du ressac. Le bas de la chute attire mon kayak, j’ai peine à rester stable. Je ne veux pas chavirer, encore moins nager… Je résiste jusque là à la force centrifuge qui me ramène vers la chute, puis, une phrase résonne soudain dans ma tête « sors de là et vite »! Je passe au mode action, la pale bien ancrée dans l’eau dure et noire, plutôt que dans le bouillon blanc, penchée sur l’avant. Je suis sortie de là comme un jet, les trois gars m’attendaient dans un contre-courant, soulagés de me voir arriver dans mon kayak plutôt qu’à la nage. À l’exception de Steve qui est dans une classe à part, nous sommes tous trois de bons kayakistes. Cela dit, on était tous sur le qui vive et en même temps très excités de poursuivre.Bujagali Falls : vue de l’aval et pancarte

Maintenant nous sommes en amont de la chute Bujagali, le deuxième rapide. Encore sous le choc, au moment où on pensait tous être sains et sauf, Yann s’est retrouvé à l’envers, renversé par le courant instable, de reculons en direction de la chute. Une, deux, trois tentatives d’esquimautage (manœuvre qu’on pour utilise pour retourner son bateau à l’endroit)…on le regarde, bouche bée et impuissants. Finalement, il réussit! Sauf qu’il manque une pale à sa pagaie, qui a cassé, celle-ci flottant à côté de lui. Steve lui crie de la laisser aller, moi je vois qu’il peut l’attraper et revenir au bord s’il fait très vite. Dois-je rappeler que pendant ce temps, le torrent gronde comme un lion, ce qui a pour effet d’augmenter nos pulsations cardiaques (lire on est sur le gros nerf)? Yann donne tout ce qu’il a pour pagayer, avec une seule pale, il réussit à attraper l’autre pale, de justesse, la tenant tant bien que mal en même temps que son manche de pagaie. À la manière d’un canoéiste, lui aussi avec toute sa volonté et en plus sa force, il a réussi à éviter la chute en se réfugiant dans le contre-courant en amont de celle-ci. Ouf!

L’adrénaline qu’on a ressentie nous a mis au garde-à-vous. La rivière s’imposait et on devait absolument l’apprivoiser, tout en lui vouant le plus grand respect. Une pagaie de secours a permis à Yann de poursuivre la descente. J’ai appris que Simon aussi avait chaviré dans le Hump, mais qu’il avait réussi à esquimauter sans soucis. On a franchi la chute Bujagali, tout comme les autres rapides, en suivant à la lettre les explications de Steve. Nous très alertes, lui, sur le pilote automatique. En effet, même si ces rapides sont les plus gros qu’on a vus dans toute notre vie de kayakistes, pour Steve Fisher, le Nil Blanc est son lieu de retraite. Là où il refait ses forces sur son île privée, avant de repartir pagayer sur les cours d’eau les plus gigantesques du monde.

Le Pina Colada n’a pas été une option en fin de journée. Au bar, on servait de la Club, la bière locale. On ne lutte pas contre le courant, donc on a bu de la Club. On a fait bonne figure quand les guides et les kayakistes de la compagnie de rafting, Nile River Explorers, ont su qu’on avait suivi la vedette de Red Bull toute la journée. On a même descendu le rapide Dead Dutchman, qui dit ce qu’il en est. Franchissable, avec possibilité d’y périr. Un beau début de vacances…

En vacances sur le Nil Blanc, jour 2

La journée commence raide, encore une fois. E-Thunder. Même avec les explications de Steve, on est nerveux parce qu’on s’apprête à franchir le plus gros et le plus long rapide qu’on a jamais fait, classé six (on l’a su après). Je sais ce que j’ai à faire pour y arriver, mais j’ai un doute : ma force physique. La pente est tellement abrupte, le relief accidenté, je vois clairement l’enjeu. Si je nage ici, ce sera la pire nage de ma vie. J’ai l’impression d’être au sommet d’une pente de ski, plus précisément dans les rocheuses canadiennes à Whistler. J’ai adoré skié là-bas déjà, dans ce qu’on appelle le back country. Sauf que je me souviens d’une chose possible en ski qui ne l’est pas en kayak : freiner pour reprendre son souffle. Je suis prête à vivre avec les conséquences. Mon plan B si je n’arrive pas à suivre la ligne à Steve et que je chavire : rester dans mon bateau le plus longtemps possible, avec l’espoir d’arriver à esquimauter dans ce chaos, reprendre de la vitesse et terminer cette section de rapides à l’endroit. Mon plan C : la nage si vraiment, je n’ai plus de souffle une fois prise à l’envers.

L’inconnu, le danger, la peur… mais aussi l’excitation, l’adrénaline, le dépassement de soi. Je fais la transition dans ma tête, mon corps répond. Sur ce que je ne peux contrôler, de décide de faire un trait. Ce qu’il me reste? L’expérience, ma respiration, mon courage. Je prends la peine de me le dire à voix basse.
Je subis un mauvais départ. Mon contact avec l’eau, dans ma pale, est mou. Je ne sens pas ma force, comme je le craignais, sauf que c’est dû au stress, pas à ma force réelle (je le sais à postériori). J’arrive sur le premier surplomb, une gigantesque pente qui me donne l’impression, maintenant que j’y repense, d’être sur un belvédère d’où je vois ce dans quoi je m’enligne à toute vitesse. La rapidité et la violence de l’eau dépassent tous les repères que j’ai pu établir en douze ans d’expérience comme pagayeuse.

J’ai chaviré trois fois, puis esquimauté, tandis que Yann derrière me criait de passer plus à droite. Impossible. J’essayais de pagayer fort, je n’arrivais pas. Je voulais faire ce rapide. J’y avais pensé la veille. Je le sentais. Ça c’est ma tête, mon cœur. Mon corps lui en avait décidé autrement. J’ai surfé à l’envers pendant des secondes qui m’ont apparu comme des minutes, dans deux trou blanc d’une violence inestimable, capables d’avaler au moins un autobus chacun.
Non, ce n’est pas plaisant. Mais étonnamment, en me faisant brasser comme un cavalier sur un taureau dans un rodéo, j’ai gardé mon calme. J’ai appliqué du mieux que j’ai pu mon plan B. Pendant tout ce tumulte (je suis sortie du trou, je suis tombée dans un autre tout de suite après que j’ai surfé à l’endroit, puis à l’envers), je n’ai pas pagayé, j’ai flotté dans un sens comme dans l’autre. La force du courant a même volé dans l’une de mes mains mon manche de pagaie. J’ai tenu bon avec l’autre main. Car perdre ma pagaie signifiait invariablement nager. Devant la puissance du courant, j’ai résisté en faisant la morte dans mon kayak, molle comme de la guenille. La chance a joué en ma faveur : l’eau m’a soudain éjectée de cette mauvaise posture, j’ai pu esquimauter et finir le rapide à l’endroit, soulagée et avec le sourire… jusqu’à ce que je vois le kayak à Yann flotter, vide, non loin de moi. Mon cœur s’est noué. C’est là que j’ai eu le plus peur. Je l’ai cherché du regard, puis j’ai vu Simon, qui s’était mis à l’eau en aval de E-Thunder. Celui-ci avait tout vu. En fin de parcours, il est allé secourir Yann. J’étais près de Steve, le courant plus lent nous amenait doucement vers l’aval tandis que dans un contre-courant en aval en lieu sûr, on voyait Yann, accroché d’une main au kayak à Simon et de l’autre, il tenait sa pagaie; un réel exploit après une nage pareille. Yann a vécu ce que j’avais anticipé pour moi : la pire nage de sa vie. Il a été sous le choc pendant quelques rapides, puis il a fini la journée en faisant de belles acrobaties, dans une vague à surf nommée Nile Special.

Simon après coup a bien résumé ce qui s’est produit, lorsque j’ai flanché : « Il y a une limite à l’influence que ta volonté peut avoir sur ton propre corps. ». Bien dit bro (pour emprunter une expression chère à Steve Fisher). C’est nettement ce que j’ai ressenti dans E-Thunder, que je suis malgré tout contente d’avoir fait, et Yann aussi par ailleurs. Parce que ça nous a permis de connaître plus grand et plus fort que ce qu’on connaissait déjà et parce qu’on est encore en vie pour en parler. Le lendemain, j’ai sauté avec bonheur et moins de stress Kalagala Fall, soit la photo ci-après. Une petite chute quoi!

 

Steve Fisher, c’est qui c’gars là? 

Steve Fisher en démonstration devant des villageois
Steve Fisher en démonstration devant des villageois

Il rêvait enfant de devenir vétérinaire. Je lui ai posé la question et sa réponse, tandis qu’on était en voiture, de Murchison à Entebbe, a duré 150 km. « Mr. Steve Fisher », comme le dit l’autocollant produit par Red Bull, son commanditaire, a affronté les chutes les plus impres-sionnantes, franchi les rivières les plus tumultueuses tout en fuyant les crocodiles, a fait connaissance avec les éléphants. Quand M. Fisher dit qu’il descend une chute où qu’elle soit dans le monde, comme la Chaudière ou la St-Ursule au Québec, c’est parce que personne avant ne l’a fait. Il vit sa vie à la manière d’un Indiana Jones, repérant les plus beaux joyaux de rivières et n’hésitant pas à aller à leur rencontre. Il a acheté une île au centre du Nil Blanc, avec sa conjointe Dez, photographe professionnelle qui cristallise pour les plus grands magazines ses exploits sur pellicule, tout en rendant leur valeur phénoménale. « C’est pour préserver un peu de jungle intacte» dit-il qu’il a acheté son île. C’est à l’aide d’une pirogue que lui et sa blonde ramènent l’épicerie à la maison, conduite par Cruzoe, leur homme d’entretien.

Il n’est pas peu fier lorsqu’il affirme que Red bull a accepté de le commanditer à cause de sa personnalité (lire : gars de party) et bien entendu pour ses exploits en kayak. Aujourd’hui, il est un des rares kayakistes professionnels qui arrive à vivre de sa passion. Il a inventé de nombreuses figures acrobatiques que les compétiteurs de style libre à travers le monde se sont appropriés. Âgé de trente ans, il a donné ses premiers coups de pagaie à six ans, en Afrique du Sud, son pays d’origine. Élevé sur une ferme, il a pris part à des compétitions régionales très jeune, gagné plusieurs courses provinciales et à 18 ans, il a terminé 6e sur deux mille compétiteurs au prestigieux marathon en kayak sur la Dusi, devenant le plus jeune kayakiste à faire un top 10. En slalom, alors qu’il était junior, il battait tous les membres de l’équipe nationale. Écœuré par la politique dans cette discipline au tournant des Jeux Olympiques de Sydney, il a plutôt choisi de prendre la voie des expéditions, mettant constamment, depuis, sa vie en danger. Est-ce qu’il regrette de ne pas être devenu vétérinaire? Pas du tout. Il voue un respect incommensurable à la faune et la flore. Bachelier en microbiologie, il a réussi où bien des bums en kayak échouent sur le plan académique. Il a une mémoire d’éléphant, il lit un livre une fois et il est capable d’en réciter des extraits par cœur. Après sa carrière en kayak, il dit qu’il s’adonnera entièrement à sa deuxième passion, les films. Il rêve d’offrir au monde des documentaires de calibre hollywoodien pour éveiller les consciences face aux enjeux qui se posent sur le plan écologique en Afrique et à l’importance de préserver les ressources naturelles, pour les générations à venir en Ouganda.

Ultra politisé, il est contre la manière actuelle de mettre en œuvre le pouvoir dans son pays, même si le président actuel qu’on dit être l’Homme du peuple, Yoweri Musevini, gère le deuxième pays qui se porte le mieux sur le continent africain. Steve Fisher se rend dans les villages où les blancs ne s’aventurent pas, avec son kayak, et fait essayer au chef son embarcation, tandis qu’il pousse quelques idées pour préserver les richesses écologiques du pays. On l’a d’ailleurs vu à l’œuvre pendant notre séjour en kayak de mer sur le lac Victoria.

Non, ce n’est pas un Dieu. Mais Steve Fisher, c’est à mon sens un modèle de la manière dont chacun peut vivre sa vie; intensément. Finalement, à la question : « Lorsque tu étais petit, que voulais-tu devenir plus tard? », ce que je retiens, c’est une phrase lancée à travers mille et unes anecdotes faisant partie de sa réponse : « J’écoute mon gut feeling. » Cette voix, au plus profond de lui qui lui dit de descendre les plus belles rivières encore non franchies par l’homme. Une job qui existe, parce que Steve Fisher existe.

 

Un peu d’histoire

Nous avons fait sept heures de route, sur un chemin qui n’en finissait plus. Il y avait de multiples nids de poule à éviter, lorsque la route était pavée et sinon, c’était des crevasses sculptées par la pluie qu’on devait contourner. Le pire moment, environ d’une longueur de deux kilomètres : des dos d’âne à tous les dix mètres. C’est une manière comme dirait l’autre de ralentir le trafic, lorsqu’il y a de la construction routière. Pas qu’il y ait tellement de voitures, mais pour le peu qu’il en ait, c’est la seule manière d’y parvenir. Aucune signalisation routière, ni limite de vitesse, ne parviendrait à cela ici. On roule au centre, sauf lorsqu’un véhicule se pointe en sens inverse. Alors on se tasse sur la voie de gauche, car la conduite est à droite. Ceci est un des héritages de l’ancienne colonie Britannique, devenue indépendante en 1962, tout comme le shilling, qui est loin toutefois de la valeur du shilling anglais. À ce moment, l’Ouganda était reconnue comme étant la Perle d’Afrique : elle était une terre fertile, prospère, en bonne santé financière, riche en ressources naturelles et elle possédait un secteur industriel en plein essor.

Sur la route vers Murcheson Fall
Sur la route de Jinja à Kampala

Malheureusement, jusqu’à 1969, le 1er premier ministre du pays n’a pas su éviter le glissement vers une situation sociale et politique catastrophique. Renversement de pouvoir, dictature, meurtres en séries. Le 2e présient, Idi Amin, porte l’étiquette du plus monstrueux dictateur que l’Afrique ait connu.
La revue la plus prestigieuse de l’Afrique, Drum, a publié un livre qui est un recueil de ses pages sur l’Ouganda. Il s’intitule : Uganda The Bloodstained Pearl of Africa And its Struggle for Peace. Ça en dit beaucoup. Amin a causé des morts par milliers, empilant les corps sur la plage du lac Victoria à perte de vue. Il a fait transporter des dizaines d’autobus de gens au pied d’un barrage, les obligeant à se suicider en se jetant à l’eau. Pourquoi? Parce qu’il avait demandé à tout ceux qui n’étaient pas satisfaits de leurs situation soit personnelle ou autre de venir en parler au gouvernement, qu’ils seraient écoutés. Amin a aussi expulsé tous les Indous du pays qui tenaient un commerce en Ouganda. Après lui, un autre règne de terreur, celui de Milton Obote. Un espèce du même genre qu’Amin, qui a fait monter des escouades de tueurs pour terroriser la population et faisant tomber toutes les lois du pays.

Yoweri Museveni, le chef d’état actuel, est arrivé en 1986, apportant aux Ougandais une source d’espoir pour des jours meilleurs. Il avait dirigé la rébellion contre Obote. On l’a surnommé l’Homme du peuple. Il a certes restauré le climat de paix dans son pays, il a permis aux Indous extorqués du pays de revenir, avec leur famille, pour reprendre commerce. Il met, semble-t-il, beaucoup d’efforts pour que la population ait accès à de l’eau potable et à l’électricité. Mais il y a tant à faire. Par exemple, de Jinja à Kampala (la capitale), sur la route qui devrait être un autoroute, on constate le piteux état du chemin de terre ou d’asphalte troué, des aménagement paysagers aux carrefours giratoires et ailleurs, la terre rouge d’Afrique. À perte de vue. Pas de trottoir, évidemment pas de lampadaire non plus. Les commerçants sont installés le long de la route terreuse, dans des boutiques de fortune en murs de ciment rafistolé, parfois peints de la couleur d’un commanditaire, comme Zain, un des fournisseurs de services de mobilité sans fil. Il y a beaucoup de marcheurs transportant sur leur tête bidon d’eau, sac de nourriture, matériaux de construction. Très peu de mobylettes, encore moins de voitures.

Les Chinois sont très proactifs en Afrique, dont en Ouganda. On voit régulièrement des camions bleus de la voirie, les mêmes qu’on retrouve en Chine. Ils portent d’ailleurs le lettrage chinois dessus. Ce sont les Chinois qui construisent les routes en Ouganda, ce qui leur permet en échange, à ce qu’il paraît, d’obtenir de manière privilégiée des ressources naturelles comme du pétrole, de la nourriture, du minerais.

L’Ouganda compte 30 millions d’habitants, dont 14% ont l’électricité et seulement 2% d’entre eux possèdent une toilette. Ça vous fait rire? C’est difficile à comprendre. On a tenté de s’expliquer pourquoi un pays aussi riches en matières premières n’arrive pas à faire vivre ses habitants, qui ne gagnent en moyenne qu’un dollar par jour (le salaire annuel moyen enregistré en 2007 était 381$). Ce n’est vraisemblablement pas un petit séjour de deux semaines qui va nous permettre de se faire une idée élaborée à ce sujet. Mais encore, on est en mesure de constater que même dans la capitale, il y a comme à Jinja des huttes où logent des gens. La différence majeure, c’est que de l’autre côté de la clôture, il y a des villas cossues, qui logent ambassadeurs et riches gens. Les huttes seraient-elles un symbole culturel auquel tiennent ses habitants? Difficile de penser ainsi.

Safari

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La plaine devant laquelle on se trouve est un mélange de savane et de forêt tropicale, traversée par le Nil Victoria. La nuit, sur le campement où on se trouve, plusieurs personnes remarquent le bruit menaçant de la respiration des hippopotames, dont un est même allé jusqu’à pousser sur le lit de camp d’un touriste, à travers sa tente. Je me suis fait courir après par un babouin qui s’est arrêté sur la poubelle derrière laquelle j’étais et Steve s’est fait charger par un cochon sauvage, sans doute cousin de la fesse gauche du sanglier (et frère du célébrissime cochon dans la chanson Acuna Matata, dans le film de Disney Le Roi lion).

Notre premier safari à Yann, Simon et moi. Avec Steve et Dez, nous avons embauché un guide qui est embarqué avec nous dans la mini van, pour une ballade de trois heures dans la savane. En trois joyeux lurons que nous étions, nous avons grimpé sur le toit du véhicule, installés sur le support à bagages. La sensation de partir à la chasse aux lions, aux antilopes, aux girafes et aux éléphants, caméra à la main, est des plus excitantes. Plusieurs kilomètres de sentiers nous ont permis de voir des paysages époustouflants : la savane à perte de vue, de couleur jaune et verte, éclairée par un lever de soleil dans un ciel bleu céruléen. Les gazelles, les buffles noirs aux cornes massives et de petites bêtes ressemblant à des chevreuils à peine plus hautes qu’un mètre gambadaient librement dans ce paysage extraordinaire. Plus loin, nous avons rencontré notre premier éléphant, environ à cent mètres. Nous en avons vu plusieurs autres par la suite, à près de quarante mètres. Les arbres tordus au sommet qui a l’air d’avoir été rasé, emblème typique de l’Afrique, attirent les girafes. Celles-ci mangent leurs feuilles. Nous en avons vu deux, de très près aussi.Sur le toit de la mini van, j’avais l’impression de voler dans la plaine africaine, de concert avec les oiseaux qui venaient parfois donner quelques coups d’ailes au-dessus de nous. Quand on devait ralentir, à cause des trous dans le chemin, c’est à dos de cheval que je m’imaginais être. Le sourire fendu jusqu’aux oreilles, j’ai apprécié cette balade du début à la fin.

En après-midi, le safari s’est poursuivi mais cette fois, en bateau et avec un autre guide : Georges. Un pro. Il fait son métier depuis 34 ans. Il a tout vu, tout connu. Avec lui (et quelques bières en banque dira-t-on), on a eu tout une excursion! On a vu des hippopotames de tellement près que plusieurs se sont mis à nager agressivement en notre direction, question de nous repousser de leur territoire. img_07741Ça nage vite un hippo, c’est surprenant. Le style parfait de la brasse on va dire. Cet animal est le plus meurtrier d’Afrique, quoi qu’on en pense. Les crocodiles aussi étaient au rendez-vous, et puis encore des éléphants, venant s’abreuver en famille en fin de journée. Les oies africaines, les martins pêcheurs, les lézards tous ces animaux ont fait leur prestation dans ce tableau magnifique, une scène d’été en février, sur le Nil.

 

 

 

 

HOWA YOUUUUU!

HOWA YOUUUUU! C’est ce que les enfants nous criaient du bord de l’eau ou de la route, en nous envoyant la main, lorsqu’on passait en kayak ou en voiture. Ce How Are You à l’africaine est devenu notre mantra pour le rire tout au long du voyage. Même les plus petits enfants, ceux qui marchaient à peine, nous le criait avec force et sourire communicatifs. Cette phrase pour eux est l’équivalent d’un bonjour. Aussi, on avait parfois droit à un « Jambo », le bonjour en version en swaeli, la deuxième langue officielle avec l’anglais. Nous devions alors répondre « Cali », ce qui veut dire « Très bien ». Sur les îles où nous sommes arrêtés, dans les villages de gens qui ne voient presque jamais de blancs comme nous, on nous a fait signer un livre d’or et plusieurs questions nous ont été posées sur la manière de faire avancer ces bizarres d’embarcations qu’étaient nos kayaks de mer. Ça ne nous était pas arrivé quelques jours auparavant, lorsque nous étions en kayak de rivière, parce que les villageois le long du Nil Blanc sont habitués d’en voir à cause de la compagnie de rafting. Mais sur le Lac Victoria, c’était une autre histoire. Nous avions droit à chaque arrêt à une cohorte de curieux : hommes, femmes, petits, jeunes et vieux. Personnellement, j’ai trouvé tous les enfants magnifiquement beaux. Nous, attriqués en kayakistes, certains chuchottaient des choses en riant, tout en pointant notre habillement, ou peut-être aussi tout simplement notre allure en général.

Toutes nos rencontres avec ces villageois ont été agréables et teintées d’humour. Ces vacances seront classées comme inoubliables pour les trois joyeux lurons que nous étions, Simon, Yann et moi.

accueil-2Note 1 : Merci à Yann et Simon pour leur contribution à ces textes. Ils y ont apporté quelques précisions et commentaires constructifs appréciables.
Note 2 : Pour plus d’informations sur l’Ouganda : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ug.html

 

Et l’art dans tout ça?

J’ai apporté mon cahier à croquis, ce qui m’a permis d’esquisser de nouvelles réalités, différentes de celles vécues en Chine, mais aussi des kayaks au passage. J’ai esquissé les bateaux placés sur la plage, à l’île de Steve et Dez, après une bonne journée où on a descendu de bons rapides.

Après le jeu le paradis
Après le jeu le paradis

À la compagnie de rafting où on était hébergés quelques jours auparavant, deux artistes locaux avaient aménagé leur galerie et peignaient en direct. Entre deux chappattis, met local qui consiste à enrouler, dans une crêpe salée, de la salade, des oignons et une omelette, je passais et repassais voir l’avancement des œuvres en cours. Quelques touristes curieux s’arrêtaient comme moi pour voir ces images africaines, peintes à l’acrylique. J’ai vu un client faire une acquisition d’une toile de format 10X12 », représentant grossièrement le continent africain, dans des teintes de mauve, qui n’était pas la meilleure à mon avis que cet artiste avait à présenter (à chacun ses goûts). Il est reparti avec celle-ci sous le bras pour la modique somme de 30 000 Shillings ougandais, soit 15$ canadien. J’ai fait le calcul et il se trouve que si cet artiste vend 22 toiles dans son année, ce qui est fort probable étant donné son emplacement, l’achalandage et le potentiel de son travail, il vit selon le salaire moyen en Ouganda. Je suis presque jalouse! Je dois en vendre le double pour arriver à cet exploit, au Canada, et je dois vendre mon plus gros format seulement. Évidemment que mon commentaire est ironique puisque je préfère ma situation à la sienne. Mais n’empêche, ça m’a rappelé qu’il ne faut pas sous estimer le potentiel de l’art local, où qu’il soit, et même dans un pays sous-développé.

 

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4 réflexions sur “4. Spécial Afrique – En vacances sur le Nil Blanc, jour 1

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